
La Curatelle publique avant, maintenant et après (article 2)
Seul le régime
Parlons maintenant des régimes de protections de façon plus détaillé. Il s’agit d’un sujet trop peu abordé mais qui revêt une importance primordial, surtout lorsque l’âge adulte s’en vient. Le dispositif de protection des personnes inaptes au Québec s’applique en fonction de la vulnérabilité des personnes en lien avec leurs incapacités cognitives. C’est ainsi qu’un régime de protection ne devrait s’ouvrir, chez le majeur, que si la personne présente des incapacités cognitives importantes la rendant vulnérable dans différentes situations.
L’évolution conceptuelle autour de la notion du handicap des dernières décennies, et il en va de même pour l’inaptitude, propose de tenir compte en même temps de la condition de la personne et de son environnement. En effet, les théories modernes du handicap suggèrent que les situations de handicap (et, inversement, de participation sociale) sont la résultante de l’interaction entre les facteurs personnels (capacités/incapacités), l’environnement (obstacles/facilitateurs – compensation, adaptation, environnement inclusif, etc.) et les rôles sociaux attendus et effectifs d’une personne.
La nécessité d’ouvrir un régime de protection apparaît lorsque les capacités de la personne (essentiellement ses capacités cognitives) sont insuffisantes pour que la personne puisse remplir elle-même certains rôles sociaux (gérer ses affaires, payer ses comptes, prendre soin de sa personne, etc.) et que l’environnement ne peut lui apporter le soutien nécessaire (accompagnement adéquat) pour qu’elle puisse les réaliser et que cet environnement ne peut protéger la personne contre des préjudices personnels ou matériels susceptibles de survenir.
Dans de telles conditions, la personne se trouve en situation de vulnérabilité et peut être sujette à des abus ou à de la négligence ne pouvant assurer elle-même sa propre protection. Ainsi, dans un tel contexte, le recours à des mesures structurées de protection devient alors nécessaire.
Actuellement il existe trois types de régimes : la curatelle, la tutelle, et le régime de conseiller au majeur. À cela s’ajoute aussi le mandat de protection. Mis à part le mandat de protection qui s’applique selon les modalités du mandat, il existe une certaine modulation entre les différents régimes. En fait, ils sont modulés essentiellement en fonction de la permanence de l’incapacité cognitive (temporaire ou permanente) et de son importance (totale ou partielle), donc en fonction seulement des facteurs personnels du majeur en besoin de protection.
En effet, si l’inaptitude est jugée permanente et totale, on prescrit un régime de curatelle. Si elle est temporaire ou partielle, on prescrit une tutelle. Si l’inaptitude de la personne est moins importante, elle peut bénéficier du régime de conseiller au majeur.
Seul le régime de tutelle est modulable en lui-même selon la condition de la personne déclarée inapte. La modulation de la tutelle est conditionnée ainsi essentiellement sur la base de facteurs personnels (capacités et incapacités de la personne).
Il est clair qu’une modulation de la tutelle sur la base des facteurs environnementaux pourrait être davantage encouragée. En effet, pourquoi se limiter à une modulation basée sur les facteurs personnels? Si l’on veut vraiment laisser un peu plus de place à l’autonomie résiduelle de la personne, pourquoi ne pas explorer davantage ce qu’offre cette nouvelle perspective? Un régime de protection est toujours privatif de droit. Le régime le moins privatif de droit est celui du conseiller au majeur. La tutelle est moins privative de droit que la curatelle et le régime de conseiller au majeur l’est moins que la tutelle. Mais dans tous ces régimes, le majeur se trouve privé de certains droits. Pour cette raison, l’ouverture d’un régime de protection devrait toujours se faire avec parcimonie et beaucoup de prudence. Pour faciliter une modulation du régime selon l’évolution de la situation de la personne, il est donc essentiel de simplifier le processus et de réduire les coûts. Il apparaît nécessaire de pousser la réflexion sur le sujet et d’explorer certaines hypothèses, telles que l’idée d’un jugement évolutif (prévoyant une modulation progressive de la tutelle); un coût unique, peu importe le nombre de modifications faites au régime, etc.
Il est clair que notre prochain article portera sur les changements à apporter et bien évidemment, sur les solutions proposées.