La Curatelle publique avant, maintenant et après (article 1)

Le 23 juin 1978, le gouvernement du Québec adoptait la toute première loi visant spécifiquement l’intégration des personnes handicapées. Intitulée Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées, elle visait la reconnaissance pleine et entière des personnes handicapées, au même titre que tous les autres citoyennes et citoyens. Dans la mouvance de l’après-guerre, il y a une prise de conscience de plus en plus grande des inégalités sociales alors existantes. On remarque davantage dès lors la situation déplorable vécue par les personnes handicapées. Leur niveau de vie est peu élevé, elles sont le plus souvent sans emploi, il y a peu de services leur étant destinés et plusieurs sont encore hébergées en institution.

Le 28 juin 1976 est déposé un premier projet de loi sur la protection des personnes handicapées pour étude en commission parlementaire. Pour la première fois, il est proposé, dans un projet de loi global, que toute personne handicapée ait droit à la reconnaissance, à l’exercice et à la protection de ses droits. Ce projet de loi ne fait toutefois pas l’unanimité, certains dénonçant son caractère paternaliste et parcellaire, sans vision d’ensemble de la personne.

Cette loi a été avant-gardiste à bien des propos. D’abord, elle définissait officiellement le terme « personne handicapée » et mettait en avant-plan l’importance de prévoir des mesures adaptées et le développement de services à leur égard. Parmi ceux-ci, notons l’intégration en emploi, l’aide matérielle ainsi que le déploiement de plans de services. La Loi reconnaissait également la contribution des organismes de promotion à la défense des intérêts des personnes handicapées. C’est également lors de l’adoption de cette loi que le handicap, et tout moyen pour le pallier, a été intégré à la Charte des droits et libertés de la personne comme motif interdit de discrimination.

Dans la foulée, d’autres lois ont aussi été modifiées concernant le transport, le logement, les trottoirs, les stationnements, l’accessibilité des édifices publics, l’instruction publique et les communications. Et bien entendu, cette loi prévoyait la mise sur pied de l’Office des personnes handicapées du Québec, officiellement créé le 8 novembre 1978¹. 

¹Extrait du site internet de l’OPHQ

1.UNE ÉVOLUTION LÉGISLATIVE NÉCESSAIRE

Les tendances récentes sur le plan international pour les droits des personnes handicapées militent pour une réforme importante des mécanismes de protection des personnes en situation de vulnérabilité. Ainsi, article de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006) affirme que les personnes handicapées ont droit à la reconnaissance de leur personnalité juridique et les États Parties reconnaissent qu’elles jouissent de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres. Il met aussi en relief la nécessité d’adopter des mesures appropriées pour donner aux personnes handicapées l’accès à l’accompagnement dont elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacité juridique et prévoit l’établissement de garanties appropriées pour prévenir les abus.La capacité juridique est indispensable pour l’exercice de droits économiques, sociaux et culturels.La restriction de la capacité juridique des personnes handicapées prive souvent celles-ci de droits importants tels que le droit de vote ou le droit au mariage. Le Canada a signé la Convention en 2007 et l’a ratifiée en 2010. Il a cependant émis une réserve:«Le Canada reconnaît que les personnes handicapées sont présumées avoir la capacité juridique dans tous les aspects de leur vie, sur la base de l’égalité avec les autres. Le Canada comprend que l’article 12 permet des mesures d’accompagnement et de représentation relatives à l’exercice de la capacité juridique dans des circonstances appropriées et conformément à la loi.

Dans la mesure où l’article 12 peut être interprété comme imposant l’élimination de toutes mesures de représentation relatives à l’exercice de la capacité juridique, le Canada se réserve le droit de continuer l’utilisation de telles mesures dans des circonstances appropriées et sujet à ce qu’elles soient assorties de garanties appropriées et effectives…» Malgré la réserve du Canada, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies, responsable de surveiller l’application de la Convention,s’attend néanmoins à des progrès allant dans le sens de l’article 12 et considère que les réserves émises par les états sont de nature temporaire ou transitoire. Par ailleurs, l’article 29 de la Convention garantit le droit à la pleine participation politique de toutes les personnes handicapées sur la base de l’égalité avec les autres.Cela suppose, peu importe qu’une personne soit sous curatelle ou non, qu’elle ait droit de voter.Les modifications législatives proposées par le Projet de loi #18 convergent en grande partie avec ce que prescrit la Convention. Néanmoins, les changements mis de l’avant, bien que très pertinents, pourraient encore être quelque peu bonifiés. Par ailleurs, l’implantation et l’application des nouvelles mesures d’assistance et de représentation temporaire, ainsi que la modulation des régimes de tutelle présentent des défis importants pour lesquels il faudra mobiliser les ressources nécessaires pour y faire face².

Notre prochain article sur le Curateur publique portera sur les modifications nécessaires à cette loi qui doit maintenant reflétées les besoins actuels des personnes en situation d’handicap.

²Extrait du Mémoire de l’AQRIPH