Le Québec, dernier de classe en diplomation et en littératie : un échec qui pèse doublement sur les enfants handicapés

Le plus récent rapport de la Fondation pour l’alphabétisation, relayé par Le Devoir, dresse un constat préoccupant : le Québec est bon dernier au pays pour la diplomation et presque au bas du classement pour la littératie. Moins d’un élève sur deux atteint le niveau 3 de compréhension de texte, celui jugé essentiel pour participer pleinement à la vie citoyenne.

Ce constat général est déjà alarmant. Mais pour les enfants handicapés et ceux ayant des besoins particuliers, il illustre une crise systémique bien plus profonde : celle d’un système d’éducation qui, depuis trop longtemps, segmente, isole et oublie.

Un système à trois vitesses… et des enfants laissés derrière

L’auteur du rapport parle du « fameux système à trois vitesses » du Québec. Un système où les écoles privées et certains programmes publics sélectifs attirent les élèves les plus performants, pendant que les élèves en difficulté sont concentrés dans des classes spécialisées, souvent à l’écart, parfois même dans des locaux inadéquats.

Ce modèle, loin de répondre à leurs besoins, crée une double exclusion : pédagogique et sociale. Il prive ces jeunes de la richesse des interactions avec leurs pairs, de la stimulation collective et des modèles de littératie quotidiens. Il fragilise leur sentiment d’appartenance à la communauté scolaire, pourtant essentiel à la réussite éducative.

Dans d’autres provinces, comme la Colombie-Britannique ou l’Ontario, les élèves ayant des besoins particuliers sont majoritairement inclus dans les classes régulières. Là où le Québec multiplie les classes adaptées, d’autres misent sur le soutien personnalisé, la co-intervention et la collaboration entre enseignants, orthopédagogues et éducateurs spécialisés. Les résultats sont éloquents : la diplomation des élèves en difficulté y est plus élevée qu’ici.

L’inclusion, une condition de réussite pour tous

L’inclusion scolaire n’est pas une utopie : c’est une stratégie d’équité et d’efficacité éducative. Chaque fois qu’on isole un enfant — qui a le potentiel d’être inclus — au nom de ses difficultés, on fragilise son parcours. Chaque fois qu’on refuse l’accompagnement nécessaire à un élève autiste, dysphasique ou vivant avec une déficience intellectuelle, on sabote son avenir et on creuse le fossé social.

L’éducation inclusive, bien soutenue, bénéficie à tous : elle développe l’empathie, l’adaptabilité et la collaboration au sein des classes. Elle outille les enseignants à intervenir auprès d’une diversité d’élèves — ce qui reflète la réalité du Québec d’aujourd’hui.

Or, pour que cette inclusion fonctionne, il faut des ressources réelles, pas seulement des intentions. Le manque criant de personnel de soutien, d’orthopédagogues et de techniciens en éducation spécialisée compromet tout effort d’intégration. Et trop souvent, les plans d’intervention individualisés — censés être les leviers d’une inclusion réussie — deviennent des formalités administratives sans suivi concret.

Littératie : un droit fondamental, pas un privilège

La littératie, c’est plus que la capacité de lire : c’est la porte d’entrée vers la participation citoyenne, la vie professionnelle, la culture et la démocratie. Quand un enfant quitte le système scolaire sans avoir atteint le niveau de littératie nécessaire pour comprendre un texte administratif, lire les consignes d’un emploi ou écrire un courriel, c’est un droit fondamental qui lui a été retiré.

L’État a l’obligation — légale et morale — de garantir à tous les enfants un parcours d’apprentissage qui leur permette de développer à leur plein potentiel leur autonomie et leur pouvoir d’agir. L’échec collectif du Québec en matière de littératie est donc aussi un échec des politiques d’adaptation scolaire et d’inclusion qui nui d’abord aux élèves handicapés.

Revoir le modèle, maintenant

Le rapport recommande de s’inspirer des provinces qui misent sur une approche inclusive et diagnostique précoce, notamment en évaluant les compétences en littératie dès la 3e secondaire. Cette proposition mérite attention, mais elle doit s’accompagner d’un virage structurel vers l’inclusion réelle :

  • Réviser la politique de l’adaptation scolaire (1999), afin d’y baliser les mesures d’inclusion et de suivi concerté entre les milieux scolaire, communautaire et de la santé.
  • Investir massivement dans le soutien spécialisé, les outils technologiques d’apprentissage et la formation continue du personnel scolaire.
  • Mettre fin à la ségrégation scolaire, en priorisant les classes mixtes et les parcours flexibles soutenus par une équipe multidisciplinaire.
  • Publier des données transparentes sur la diplomation et la littératie des élèves handicapés ou en difficulté, pour mesurer les progrès réels plutôt que les intentions.

Un enjeu de justice sociale

Derrière les chiffres froids se cachent des destins humains. Chaque jeune qui quitte l’école sans diplôme et sans maîtrise de la lecture, c’est un citoyen en moins qui pourra exercer ses droits, participer pleinement à la société et contribuer à la vie collective.

Et parmi eux, les jeunes en situation de handicap sont les premiers sacrifiés par un système qui prétend les protéger en les mettant à part.

Au ROPHCQ, nous le répétons : l’inclusion n’est pas un luxe, c’est un droit pour les élèves qui en ont le potentiel. Et tant que le Québec ne fera pas de ce droit une priorité absolue, il restera, malheureusement, le dernier de classe — pas seulement en littératie, mais en équité.