Éducation inclusive : quand les obstacles deviennent systémiques — et que nos enfants en paient le prix

Réaction du ROPHCQ à l’article du Devoir publié le 23 août : « Plusieurs obstacles ralentissent l’éducation inclusive »

L’article du Devoir publié aujourd’hui met en lumière une réalité que nos organismes membres du Centre-du-Québec dénoncent depuis des années : l’école québécoise se dit inclusive, mais les mécanismes concrets pour respecter ce droit fondamental n’y sont tout simplement pas au rendez-vous.

Entre 2018 et 2025, 146 plaintes ont été déposées à la CDPDJ pour des manquements dans l’adaptation des services éducatifs. Cent quarante-six. Chacune de ces plaintes est un enfant qui a été privé d’un droit, une famille laissée seule, et un réseau qui a failli à son obligation.

Et pourtant, ce n’est que la pointe — très visible — de l’iceberg.

Un système qui reconnaît le droit, mais qui ne le réalise pas

Au Québec, un élève sur cinq est considéré HDAA. Dans certaines écoles secondaires, c’est un sur trois. Cette réalité n’est pas marginale. C’est celle de l’école québécoise.

Or, malgré le discours institutionnel, le droit à l’éducation inclusive reste trop souvent un droit théorique.

L’article du Devoir est limpide : les allégations les plus fréquentes reçues par la CDPDJ concernent une évaluation inadéquate, un accompagnement insuffisant et des mesures non appliquées. C’est exactement ce que nos membres du ROPHCQ constatent quotidiennement : des plans d’intervention écrits mais jamais opérationnalisés, des outils recommandés mais non utilisés, des transitions improvisées, et des services coupés faute de ressources.

Ce n’est pas un manque de bonne volonté. C’est un manque de structure, de financement cohérent et de vision systémique.

Le sous-financement chronique mine la collaboration — et démantèle l’expertise

Ce que le Devoir révèle, c’est une réalité brutale : la concertation n’est pas financée. Or, sans concertation, il n’y a pas d’éducation inclusive.

Les professionnels doivent maintenant soutenir les élèves dans la classe, ce qui requiert une coordination fine entre enseignants, orthophonistes, psychoéducateurs, TES et directions. Mais l’état actuel du réseau ne permet pas au personnel d’avoir le temps et les moyens pour soutenir cette collaboration.

Pire : les compressions récentes ont forcé des écoles à congédier des professionnels. Même si des fonds sont parfois réinjectés quelques mois plus tard, les équipes formées, expérimentées, capables de travailler ensemble… ont été démantelées. On perd de l’expertise. On perd la mémoire organisationnelle. On perd du terrain.

Et ce sont encore les enfants handicapés qui écopent.

L’incohérence politique met en péril l’inclusion

L’article cite également un enjeu majeur : la présence grandissante d’enseignants non légalement qualifiés. Comment peut-on prétendre offrir une éducation inclusive alors qu’on place en première ligne des personnes sans formation complète, sans encadrement adéquat et sans accès à des équipes stables?

L’éducation inclusive n’est pas un slogan. C’est une pratique exigeante, complexe, qui nécessite :

  • des compétences pédagogiques avancées,
  • des connaissances en adaptation scolaire,
  • une capacité réelle de collaboration interprofessionnelle,
  • et un environnement soutenu par des ressources suffisantes.

Nous demandons au ministère cohérence, courage et respect de ses propres engagements. On ne peut pas prétendre soutenir l’inclusion tout en coupant, improvisant, et déstructurant les équipes qui la rendent possible.

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes : un double système

L’article rappelle que plus d’un quart des élèves HDAA quittent sans diplôme ni qualification. Ce nombre traduit de le besoin de se pencher sur l’exclusion dans nos écoles.

Ce système perpétue les inégalités, compromet l’autonomie, fragilise l’accès au marché du travail et alourdit les transitions vers les services socioprofessionnels — un autre secteur sur lequel nous devrions nous pencher.

Au ROPHCQ, nous refusons la fatalité

Depuis 1982, notre regroupement porte une mission claire : défendre collectivement les droits des personnes handicapées. L’éducation inclusive n’est pas un « plus », ni un idéal théorique. C’est un droit protégé par la Charte. C’est un levier essentiel à l’autodétermination. Et c’est un pilier fondamental d’une société réellement équitable.

Devant les constats du Devoir, nous réitérons fermement :

✔ Il est urgent de financer correctement la concertation et les équipes multidisciplinaires.
✔ Les équipes doivent être stables, formées et soutenues.
✔ Le ministère doit adopter une approche cohérente, alignée avec ses politiques d’inclusion.
✔ Chaque élève a droit à un plan d’intervention réellement appliqué, pas seulement rédigé.
✔ Les familles doivent cesser d’être les seules vigies du respect des droits de leurs enfants.

L’inclusion se construit par des choix politiques — pas par des slogans

Les paroles ne suffisent plus. Les plans d’action ne suffisent plus. Les réinjections ponctuelles ne suffisent plus.

L’éducation inclusive demande une vision, une volonté et un engagement ferme envers l’équité. Le gouvernement doit cesser de traiter l’inclusion comme une variable d’ajustement et doit en faire enfin une priorité réelle et structurante.