Derrière les chiffres, des vies en suspens : quand les listes d’attente en ressources intermédiaires deviennent une atteinte à la dignité humaine

Au Québec, 5500 personnes vulnérables attendent actuellement une place en ressource intermédiaire (RI). Ce chiffre, rapporté par Le Devoir, a de quoi indigner, puisque derrière ces statistiques froides, ce sont des êtres humains — des aînés, des adultes vivant avec une déficience intellectuelle, un trouble du spectre de l’autisme (TSA) ou une déficience physique — qui voient leur droit fondamental à des conditions de vie décentes et sécuritaires mis entre parenthèses.

Pour le Regroupement d’organismes de personnes handicapées du Centre-du-Québec (ROPHCQ), cette crise est bien plus qu’un enjeu de gestion budgétaire : elle illustre l’échec d’un système à garantir l’inclusion, la dignité et la continuité des services aux personnes handicapées.

Une liste d’attente qui cache une crise structurelle

Quand 622 personnes vivant avec une déficience intellectuelle ou un TSA attendent une place en RI, il faut cesser de parler de « retard administratif » et nommer les choses : c’est une rupture de services. Ces personnes sont souvent confinées dans des milieux inadéquats — à domicile avec des parents épuisés, à l’hôpital faute de solution, ou dans des logements non adaptés — alors qu’elles devraient bénéficier d’un environnement stable et encadré, garant de leur sécurité et de leur développement.

Le vieillissement de la population est certes un facteur aggravant, mais il ne saurait justifier l’inaction. Depuis des années, les organismes communautaires et les regroupements régionaux comme le nôtre alertent le gouvernement sur la nécessité de planifier dès maintenant l’augmentation du nombre de places en hébergement adapté, tant pour les aînés que pour les personnes handicapées adultes.

Un financement insuffisant qui met les ressources à genoux

Les ressources intermédiaires sont un maillon essentiel entre le milieu communautaire et le réseau public de santé. Pourtant, elles peinent à survivre. Des appels d’offres annulés, des coûts de fonctionnement qui explosent, une absence de vision à long terme : voilà le quotidien d’un réseau censé soutenir nos personnes les plus vulnérables.

Selon l’ARIHQ, le financement actuel, d’environ 210 000 $ par unité de logement, est nettement insuffisant. Les coûts réels se situeraient entre 300 000 $ et 350 000 $ par place. Pendant que les gouvernements négocient des ententes budgétaires sur des milliards de dollars, des centaines de personnes handicapées et leurs proches vivent dans l’angoisse du lendemain.

C’est inacceptable.
Les RI ne peuvent pas continuer d’absorber seules la hausse des coûts et la pénurie de main-d’œuvre. Les organismes communautaires non plus. Il faut une révision urgente du modèle de financement et une stratégie nationale pour l’hébergement et le soutien communautaire des personnes handicapées, qui tienne compte de leurs besoins spécifiques et des réalités régionales.

Le Centre-du-Québec en première ligne

Notre région, la Mauricie–Centre-du-Québec, est parmi les plus touchées. C’est ici, sur le terrain, que se voient les conséquences humaines de cette crise : des proches aidants épuisés, des personnes maintenues à domicile dans des conditions inadéquates, des ruptures de parcours qui anéantissent des années d’efforts d’inclusion.

Le ROPHCQ le répète : les besoins des personnes handicapées ne peuvent pas être relégués au second plan sous prétexte que les infrastructures coûtent cher. Ce sont des droits fondamentaux qui sont en jeu — le droit à un logement sécuritaire, à des services adaptés, à la dignité.

Il est temps d’agir autrement

Nous demandons au gouvernement du Québec :

  • La création immédiate d’un plan de rattrapage pour réduire les listes d’attente, avec des cibles régionales claires et des investissements garantis.
  • Une réforme du modèle de financement des ressources intermédiaires, pour assurer leur viabilité et leur capacité d’accueil à long terme.
  • Une concertation réelle avec le milieu communautaire, incluant les regroupements régionaux, afin que les décisions soient prises à partir des besoins vécus et non des seules contraintes budgétaires.

Les 5500 personnes sur la liste d’attente ne sont pas des chiffres. Ce sont des vies suspendues, des parcours brisés, des familles à bout de souffle. Tant que la réponse de l’État restera technocratique et insuffisante, nous continuerons de dénoncer haut et fort ce manquement collectif à la dignité humaine.

Parce que la dignité ne se met pas sur une liste d’attente.