EHDAA dans le réseau scolaire : des chiffres éloquents, une mobilisation urgente à renforcer

Le plus récent portrait statistique de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ), publié en mars 2025, dresse un état des lieux troublant de la situation des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) dans le réseau scolaire public québécois pour l’année scolaire 2022-2023. Pour le ROPHCQ, ce document confirme ce que notre milieu communautaire vit et dénonce depuis des années : malgré les discours ministériels sur l’inclusion, l’école québécoise continue d’échouer à offrir une expérience équitable à des milliers d’élèves aux besoins particuliers.

Alors que l’on parle d’inclusion depuis des décennies, il faut reconnaître que trop souvent, celle-ci reste symbolique. Ce que nous révèle ce rapport, c’est que l’exclusion systémique se perpétue, sous des formes nouvelles, parfois plus subtiles, mais tout aussi destructrices.


Une population grandissante… et de plus en plus mal servie

En 2022-2023, plus de 239 000 élèves ont été identifiés comme EHDAA dans les écoles publiques primaires et secondaires du Québec. Cela représente plus de 21 % de l’ensemble des élèves. Cette proportion a connu une croissance constante depuis dix ans. Si cette hausse peut traduire une meilleure capacité à identifier les besoins des élèves, elle souligne aussi l’ampleur des défis qui s’imposent aux milieux scolaires et aux familles.

Or, la croissance du nombre d’élèves EHDAA n’a pas été suivie d’un renforcement équivalent des ressources, du soutien ou de la vision inclusive à l’échelle du réseau. Le résultat est un système inégal, où le droit à l’éducation dépend encore trop souvent du code postal, du niveau de scolarité et des moyens financiers des parents, ou de la capacité des organismes communautaires à combler les trous béants des services publics.


Une inclusion sélective et souvent de façade

Le rapport de l’OPHQ souligne que plus de 58 000 élèves EHDAA ont fréquenté une classe spéciale ou une école spécialisée en 2022-2023. Cela signifie qu’environ un quart des élèves identifiés ne sont toujours pas intégrés à une classe ordinaire. Si certaines de ces affectations peuvent répondre à des besoins spécifiques, trop souvent, elles sont le reflet d’un système incapable de mettre en œuvre les mesures d’adaptation nécessaires à l’inclusion véritable.

Dans notre région du Centre-du-Québec, nous recevons régulièrement des appels de détresse de parents qui doivent se battre pour que leur enfant ait accès à un plan d’intervention, à une aide pédagogique spécialisée ou simplement… à une place dans une école de quartier. Trop souvent, le fardeau de l’adaptation repose sur la famille, alors que l’école devrait être prête à accueillir chaque élève dans toute sa diversité.

Il est impératif de rappeler que l’inclusion ne se résume pas à la présence physique dans une classe ordinaire. C’est la pleine participation à la vie scolaire, avec les soutiens appropriés, le respect des rythmes d’apprentissage, et une reconnaissance de la richesse de la diversité humaine.


Des services professionnels disparates et insuffisants

Un autre constat préoccupant du rapport est la grande inégalité dans l’accès aux services professionnels d’une région à l’autre. Le nombre d’orthophonistes, de psychoéducateur·trices, de TES ou de psychologues varie énormément, créant un accès inéquitable aux services de soutien. Certaines régions comme la nôtre doivent faire face à une pénurie chronique de personnel spécialisé, ce qui compromet directement la qualité des interventions et l’efficacité des plans d’intervention.

De plus, le personnel enseignant se retrouve souvent seul et débordé, sans la formation ou les outils requis pour adapter ses interventions aux besoins des différents élèves. Le surmenage professionnel mène à une usure accélérée, à des congés répétés, à du roulement de personnel… et ce sont encore une fois les élèves les plus vulnérables qui en subissent le plus les conséquences.


Une école qui exclut encore, parfois sans le dire

Ce que le rapport ne dit pas explicitement, mais que les organismes membres du ROPHCQ constatent chaque jour, c’est la normalisation de pratiques d’exclusion déguisée : journées réduites, refus implicites d’inscription, orientations forcées vers des classes spécialisées, ou pression sur les parents pour « prendre une pause » du système scolaire. Nous dénonçons ces pratiques comme des violations claires du droit à l’éducation.

L’article 24 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies, ratifiée par le Canada, consacre le droit à une éducation inclusive, sans discrimination et sur la base de l’égalité des chances. Le Québec ne peut pas continuer à prétendre respecter ce droit tout en tolérant de telles dérives.


Pour une transformation réelle et ambitieuse du système scolaire

À la lumière de ce portrait, il est clair que des changements structurels s’imposent. Il ne suffit pas de faire des ajustements à la marge : il faut revoir les fondements mêmes de notre système éducatif pour qu’il accueille tous les élèves avec dignité, respect et ambition.

Cela passe par :

  • Un réinvestissement majeur dans les services professionnels dans toutes les régions.
  • Une meilleure formation continue pour l’ensemble du personnel scolaire sur les principes d’éducation inclusive et les réalités du handicap.
  • Une révision des mécanismes de financement pour qu’ils cessent de désavantager les milieux ruraux et les écoles qui accueillent une forte proportion d’élèves EHDAA.
  • Une reconnaissance formelle 1des organismes communautaires dans la réussite éducative des jeunes.

Mais surtout, cela exige un changement de culture dans l’ensemble du réseau scolaire : une culture où la diversité n’est pas un fardeau à gérer, mais une richesse à valoriser.


Le ROPHCQ poursuivra la lutte, aux côtés des familles et des organismes

Depuis plus de 40 ans, le ROPHCQ se bat pour que les personnes handicapées soient reconnues, entendues, soutenues et incluses dans tous les aspects de la vie sociale. L’école est l’un des piliers de cette inclusion. Quand l’école échoue à accueillir un enfant, c’est toute la société qui échoue à construire un avenir juste.

Nous continuerons à dénoncer les injustices, à documenter les reculs, à soutenir nos membres, à interpeller les décideurs. Mais surtout, nous continuerons à porter la voix des enfants du Centre-du-Québec qui veulent apprendre, s’épanouir, exister… comme tous les autres.