La radio et le validisme : une dérive inacceptable du discours public

Le 15 mai 2025, une frontière éthique et sociale a été franchie. Sur les ondes du 98,5 FM, les animateur·trices Luc Ferrandez et Nathalie Normandeau ont tenu des propos profondément choquants à propos de Florence, une jeune femme vivant avec une déficience intellectuelle et le syndrome de Prader-Willi, emprisonnée durant huit jours, en isolement, faute de ressources adaptées. L’affaire avait suscité l’indignation généralisée. Le ROPHCQ avait alors dénoncé cette dérive systémique : quand l’État abandonne, c’est la personne handicapée qui est punie.

Mais voilà qu’à cette tragédie humaine est venue s’ajouter une violence verbale d’une autre nature, insidieuse et mortifère. En direct, devant un large auditoire, M. Ferrandez a laissé entendre que l’euthanasie — sous les termes « soins palliatifs » ou « libération » — pourrait être une solution au manque de services. Il a même suggéré que des proches ou un « comité de sages » puissent prendre cette décision pour des personnes jugées trop handicapées pour consentir. Mme Normandeau, sans contester ces propos, a poursuivi la conversation comme si un tel scénario relevait du champ des possibles.

Ces déclarations ne sont ni maladroites ni inoffensives. Elles marquent un glissement dangereux vers une rhétorique validiste où la vie des personnes handicapées devient sujette à débat. Elles reprennent, sous couvert de provocation radiophonique, des idées eugénistes dont notre histoire collective porte encore les stigmates.

Comme l’a brillamment souligné Me Chloé Surprenant, l’une des avocates qui a défendu Florence, ces propos ne relèvent pas d’un débat abstrait : « Une aide médicale à mourir commandée par quelqu’un d’autre porte un nom : c’est un meurtre. » Elle nous rappelle aussi cette vérité essentielle : le problème, ce n’est pas le handicap, c’est le manque de soutien. Et, pire encore, cette prétendue solution « douce » coûterait bien moins cher que des services dignes. La question devient alors glaçante : est-ce encore de la compassion ou simplement de la gestion budgétaire?

Le ROPHCQ, au même titre que l’AQRIPH, la Fédération québécoise de l’autisme, la Société québécoise de la déficience intellectuelle, le RAPLIQ, PARDI et plusieurs autres organisations, s’est insurgé contre ces propos déshumanisants. Nous avons affirmé haut et fort ce que nous ne tolérerons jamais : que la vie des personnes handicapées soit considérée comme une variable d’ajustement dans un système défaillant.

Nous l’avons répété :
🔴 La vie humaine n’est pas une opinion.
🔴 Les personnes handicapées ne sont pas des charges, mais des citoyen·nes à part entière.
🔴 Leur existence n’a pas à être justifiée. C’est à notre société de leur garantir les moyens de vivre dignement.

À la suite de la vague d’indignation, les deux animateur·trices ont présenté des excuses — insuffisantes, selon plusieurs. Le 98,5 FM a diffusé une émission spéciale consacrée au manque de services, avec la participation d’Amélie Duranleau (directrice de la SQDI), que nous saluons pour sa clarté et sa force.

Mais malgré cette tentative de réparation, les mots ont été dits. Le mal est fait. Ce n’est pas qu’une controverse médiatique de plus. C’est un miroir tendu à notre société. Et ce que ce miroir nous a renvoyé, c’est un visage empreint d’abandon, de rejet et de peur de la différence.

Nous ne devons pas nous habituer à ce que ces discours se banalisent. Ce n’est pas un terrain de débat. C’est une ligne rouge.

En tant qu’instance régionale de concertation pour les droits des personnes handicapées, le ROPHCQ reste mobilisé contre toutes les formes de déshumanisation. Nous continuons de demander un investissement massif et urgent dans les ressources adaptées, le soutien aux familles, les services résidentiels, et l’inclusion réelle. Parce que chaque personne a droit à une vie digne. Parce que Florence mérite mieux. Parce que nous méritons toutes et tous mieux.