Le loisir, un droit, pas un privilège : pour une véritable inclusion dans l’espace public québécois
Le plaisir, la détente, la culture, le sport… autant de dimensions fondamentales de la vie sociale qui devraient être accessibles à toutes et à tous. Pourtant, pour trop de personnes handicapées au Québec, le loisir demeure encore un parcours d’obstacles.
L’initiative de l’Association québécoise pour le loisir des personnes handicapées (AQLPH), qui vient de lancer un docu-reportage pour sensibiliser les organisations à rendre leurs espaces accessibles, met enfin en lumière une réalité que nous soulevons depuis longtemps : l’exclusion des personnes handicapées de la vie culturelle, sportive et récréative.
L’accès aux loisirs : un miroir de l’exclusion sociale
Le loisir n’est pas un luxe. C’est un droit fondamental reconnu par plusieurs textes internationaux et par la politique À part entière de l’Office des personnes handicapées du Québec. Or, l’accès à un spectacle, à un gym, à un musée ou à une activité extérieure demeure, trop souvent, une bataille quotidienne pour les personnes handicapées du Centre-du-Québec et d’ailleurs.
Un trottoir enneigé, une rampe non déglacée, un site web illisible, un guichet d’inscription inadapté : ces obstacles, parfois invisibles pour la majorité, suffisent à exclure une personne d’un espace collectif. L’accessibilité ne se limite pas aux rampes — elle touche la communication, la signalétique, la lumière, le son, le prix, la posture du personnel, mais surtout la reconnaissance du droit d’être là.
« Les gens veulent faire leur part, mais ne savent pas comment »
Cette phrase, prononcée par Charlie Rousseau, ambassadrice du docu-reportage, résume bien la situation. Oui, beaucoup d’organisations souhaitent être inclusives. Mais encore faut-il qu’elles soient outillées, accompagnées et soutenues financièrement.
C’est là que le rôle de l’État devient essentiel. Les organismes communautaires, les municipalités et les entreprises privées ne peuvent pas porter seuls la responsabilité de l’inclusion. Ils ont besoin d’un cadre clair, de ressources durables et de financement récurrent pour adapter leurs installations, former leurs équipes et maintenir les acquis.
L’équité, pas la charité
Trop souvent, les personnes handicapées sont perçues comme des invitées dans les espaces de loisir, et non comme des citoyen.nes à part entière. On aménage un « coin accessible » ou une « séance adaptée » au lieu d’adopter une approche inclusive plus large.
Mais l’inclusion ne se négocie pas à la marge. Elle doit être la norme. L’équité exige que l’on tienne compte des différences dans la conception même des politiques publiques et des infrastructures.
L’AQLPH le démontre : de petits gestes à faible coût peuvent transformer une expérience. Une meilleure luminosité dans une salle, une signalisation simplifiée, un espace calme pour les personnes neurodivergentes… Ces gestes simples changent tout. Mais encore faut-il une volonté réelle et durable de les multiplier.
Un financement précaire, un avenir incertain
Les propos de la directrice de l’AQLPH, Geneviève Bergeron, sont préoccupants : 90 % du financement de leurs programmes est en jeu. Cette dépendance à des enveloppes temporaires est le symptôme d’un système qui ne reconnaît pas pleinement la valeur du loisir inclusif.
Or, le désengagement de l’État dans ce domaine reste restreint. Couper ou fragiliser le financement des organismes de loisir inclusif, c’est priver des milliers de personnes d’un espace de socialisation, d’appartenance et de bien-être. C’est aussi renforcer leur isolement et leur marginalisation.
Le ROPHCQ appelle à l’action
Le ROPHCQ se joint à la voix de l’AQLPH pour rappeler que le loisir inclusif est un enjeu de justice sociale. Nous appelons le gouvernement du Québec, les municipalités et les partenaires régionaux à :
- Financer de façon récurrente les organismes qui œuvrent à l’inclusion en loisir.
- Soutenir les municipalités et les entreprises dans la mise en œuvre de plans d’accessibilité ambitieux.
- Inclure les personnes handicapées et leurs représentants dans toutes les étapes de conception, d’évaluation et d’amélioration des espaces publics.
- Garantir le maintien et l’élargissement des programmes d’accompagnement pour les activités sportives, culturelles et récréatives.
Pour un Québec où tout le monde joue sa partie
L’inclusion n’est pas un geste ponctuel : c’est une culture à bâtir. C’est un Québec à imaginer autrement, où chaque enfant, chaque adulte, chaque aîné, qu’il soit en fauteuil roulant, autiste, malentendant ou vivant avec une déficience intellectuelle, puisse simplement jouer, bouger, créer, rire et participer.
Parce qu’un loisir inaccessible, c’est une société qui se prive de la richesse et de la vitalité de tous ses citoyens.
