L’intégration en emploi des personnes handicapées : assez de demi-mesures, il faut des obligations fermes

Le dévoilement du plus récent rapport de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) sur l’intégration et le maintien en emploi des personnes en situation de handicap sonne comme une énième alarme. Une alarme que le gouvernement du Québec ne peut plus se permettre d’ignorer.

Depuis plus de 40 ans, les objectifs fixés pour l’embauche de personnes handicapées n’ont jamais été atteints. Ni dans la fonction publique, ni dans le secteur privé, ni même dans l’économie sociale. Pourtant, une personne sur cinq en âge de travailler vit avec une limitation fonctionnelle. Comment expliquer qu’en 2025, notre marché du travail reste encore aussi fermé et discriminatoire ?

Une discrimination systémique qui persiste

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • 93 % des personnes interrogées par la Commission disent avoir vécu des trajectoires professionnelles marquées par la précarité.
  • 83 % ont subi du harcèlement lié à leur handicap, souvent sous forme de remarques humiliantes ou de blagues dégradantes.
  • Seulement 10 % des entreprises québécoises embauchent des personnes handicapées.

Cette réalité n’est pas qu’une série de statistiques : elle se vit dans la chair et le parcours de milliers de travailleuses et travailleurs comme Cassandra Poitras et Alexane Roy, qui témoignent des préjugés, de l’absence d’accommodements et du manque de modèles inclusifs.

Le volontarisme a échoué

Depuis des décennies, Québec s’appuie sur des approches dites « volontaristes », misant sur la bonne volonté des employeurs. La CDPDJ est claire : cela ne fonctionne pas. La preuve : même le maigre objectif de 2 % fixé en 1984 pour la fonction publique n’a jamais été atteint.

Pendant ce temps, des personnes hautement qualifiées, compétentes et motivées restent perçues comme un « dernier recours » par les employeurs. Cela est inacceptable.

Assez d’excuses : il faut des mesures contraignantes

D’autres juridictions ont fait le choix du courage politique. En Ontario comme en France, des sanctions financières sont prévues pour les employeurs qui n’atteignent pas les cibles de représentation. Résultat : les employeurs s’organisent, innovent et trouvent des solutions pour rendre leurs milieux inclusifs.

Le Québec doit cesser de tolérer un système qui exclut. On ne tolérerait jamais que seulement 10 % des entreprises aient une politique contre le harcèlement sexuel ; pourquoi tolère-t-on cette situation lorsqu’il s’agit des personnes handicapées ?

Ce que le ROPHCQ en pense

Comme regroupement régional représentant plus de 7 000 personnes handicapées du Centre-du-Québec, nous ajoutons notre voix à celle de la Commission :

  • Le gouvernement du Québec doit inclure des mesures obligatoires et contraignantes dans la nouvelle Stratégie nationale pour l’intégration et le maintien en emploi.
  • Les employeurs doivent être tenus responsables de leurs pratiques discriminatoires, et se voir imposer des obligations de résultats, non seulement de moyens.
  • Les conditions des personnes dans les services socioprofessionnels doivent être profondément revues. Le travail non rémunéré n’a plus sa place dans une société qui se dit inclusive.

Une question de droits, pas de charité

Nous devons rappeler haut et fort : l’accès à un emploi décent n’est pas un privilège. C’est un droit fondamental, garanti par les chartes. Tant que des personnes handicapées devront cacher leur handicap pour être embauchées, accepter des conditions injustes ou subir l’humiliation quotidienne de préjugés, notre société échoue à respecter ses propres valeurs de justice et d’équité.

Le temps des belles paroles est révolu. L’équité en emploi ne viendra pas de la bonne volonté des employeurs, mais d’une volonté politique ferme et courageuse.

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